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Syndrome de white feces : récentes avancées et mesures préventives Logo Feedia

Décrit pour la première fois vers 2010, le syndrome de white feces (WFS) est une maladie importante en élevage de crevettes dans les pays asiatiques, qui peut entraîner d’importantes mortalités et pertes économiques. Cette maladie est un syndrome complexe dont l'apparition reste mal connue. La cause de déclenchement du WFS n’est pas encore identifiée et ceci pourrait ne pas être le résultat d'un seul facteur. Description, étiologie et mesures préventives : Les experts de Techna font le point.

Syndrome de white feces : mortalité élevée et baisse des performances

Le syndrome de white feces fait référence à la présence de filaments fécaux blancs flottants dans les bassins. Il peut être observé en élevage aquacole, à la fois chez la crevette tigrée noire (Penaeus monodon) et chez la crevette blanche du Pacifique (Litopenaeus vannamei). Ce syndrome est à l’origine d’une mortalité élevée, d’un retard de croissance, d’une hétérogénéité de taille et d’un indice de consommation élevé. La survie est généralement réduite de 20 à 30 % (Tamilarasu et al., 2020) et les mortalités cumulées peuvent atteindre 50 % pendant les périodes estivales (Hou et al., 2018). Les premiers signes de la maladie (filaments fécaux flottants) apparaissent dans les bacs d'alimentation et à la surface de l'eau (figures 1a-1b), avec une réduction soudaine de la consommation d'aliments. Cela se produit généralement dans les bassins de croissance vers le deuxième mois.

Les fèces passent de la couleur normale (brunâtre) à une couleur blanc pâle, d'où le nom de cette maladie. Les fèces blanches semblent plus légères que les fèces normales et flottent à la surface de l'eau. L'hépatopancréas des crevettes devient également blanchâtre, mou et semble vide en raison du manque de nourriture. L'intestin moyen est distendu et rempli d'une substance blanche à jaune (figure 1c). On observe également un exosquelette lâche et des branchies de couleur sombre.

White feces

Mais ces fèces ne sont pas de "vraies" matières fécales. Alors que les fèces normales sont principalement composées d'aliments non digérés, les white feces sont composés de restes de tissus provenant de l'hépatopancréas, de mucus intestinal, et contiennent fréquemment un composant bactérien mixte et un nombre massif de spores du parasite microsporidien Enterocytozoon hepatopenaei (EHP) (Pachumwat et al., 2021). Des espèces de Vibrio ont également été trouvées dans les fèces de crevettes infectées (Suguna, 2020). Lorsque le contenu de l'intestin ou des filaments fécaux est examiné au microscope optique, il se compose de masses de corps vermiformes qui ressemblent à des grégarines (Sriurairatana et al., 2014). Cela explique pourquoi, à un moment donné, on a supposé que les grégarines étaient les agents responsables du WFS.

Sriurairatana et al. (2014) ont décrit le syndrome de white feces  comme provenant d'un trouble au niveau des microvillosités des cellules épithéliales de l'hépatopancréas. Les microvillosités transformées, décollées, sont rassemblées dans les lumières des tubules et agrégées sous forme de corps vermiformes. Dépourvues de microvillosités, les cellules subissent une lyse. Les corps vermiformes sont presque transparents, sans structure cellulaire. Ils s'accumulent avec des débris tissulaires, du mucus, des spores EHP et éventuellement des bactéries Vibrio à la jonction hépatopancréas-intestin moyen et dans l'intestin moyen. Ces microvillosités agrégées et transformées conduisent à la formation de filaments fécaux blancs, qui sont finalement excrétés (figure 2).

White feces

L'histologie réalisée par Sriurairatana et al. (2014) sur une coupe transversale d'un tubule hépatopancréatique (figure 3a) montre une cellule B modifiée et nécrosée dans le lumen avec des microvillosités réparties sur sa surface. Des cellules épithéliales avec des microvillosités normales et d'autres avec des membranes anormalement fines, ou dénudées de microvillosités, avec un processus de lyse en cours, ont également été observées.

En microscopie électronique à transmission (figure 3b), les cellules épithéliales de l'hépatopancréas présentent des microvillosités normales et transformées, ainsi qu'un stade précoce d'agrégation des microvillosités transformées et nécrosées, entourées d'une membrane englobante. Les microvillosités transformées agrégées forment ensuite des entités de type grégarine.

White feces

Environnement, microbiote et conditions de stress : facteurs clés

Le syndrome de white feces  est une pathologie d'étiologie complexe, similaire à la diarrhée chez l'homme (Pachumwat et al., 2021), et dont l'origine n'est toujours pas claire. Une étude récente montre qu'une altération de l'ensemble de l'écosystème intestinal, plutôt qu'un seul agent pathogène, est associée au syndrome de WFS (Huang et al., 2020). D'autre part, de nombreuses études montrent un impact important de l'environnement et des conditions de stress sur ce syndrome. Ces conditions défavorables peuvent également faciliter le développement de pathogènes opportunistes et créer une communauté bactérienne digestive déséquilibrée. De plus, les facteurs antinutritionnels, les toxines telles que les mycotoxines contenues dans les aliments peuvent endommager l'hépatopancréas, favorisant ainsi des conditions dégradées de l'hépatopancréas qui favorisent l'apparition du WFS.

Comme chez l'homme, le système digestif de la crevette héberge un grand nombre de micro-organismes à dominante bactérienne, qui constituent un écosystème microbien complexe appelé microbiote. Il a de multiples fonctions et joue un rôle important dans le maintien de la santé de l'hôte, l'absorption nutritionnelle ou la réponse immunitaire. L'équilibre de la population du microbiote intestinal est crucial et la perte de diversité microbienne dans l'intestin peut provoquer des maladies chez l'hôte.

Des études récentes (Hou et al., 2018 et Huang et al., 2020) ont rapporté une relation étroite entre la dysbiose du microbiote intestinal et le syndrome de white feces. Selon ces auteurs, les communautés bactériennes intestinales des crevettes atteintes du syndrome de white feces sont significativement moins diversifiées et plus hétérogènes que les crevettes normales (représentées respectivement par leur indice de Shannon et de dissimilarité de Bray-Curtis sur la figure 4).

White feces

Le profil de la population bactérienne intestinale est significativement différent entre les crevettes saines et les crevettes affectées par les white feces. Selon Huang et al. (2020), l'augmentation des pathogènes opportunistes (Vibrio, Candidatus Bacilloplasma, Aeromonas et Photobacterium) et la diminution des bactéries bénéfiques (Chitinibacter spp.) sont les points communs associés aux crevettes affectées par les white feces. En outre, cette étude a démontré que la transplantation du microbiote intestinal de donneurs infectés par les white feces à des crevettes saines entraîne des symptômes similaires dans environ un tiers des cas. Hou et al. (2018) ont rapporté que la surcroissance des espèces intestinales Candidatus Bacilloplasma et Phascolarctobacterium et la dépression de Paracoccus et Lactococcus, connues pour être bénéfiques à l'hôte, pourraient entraîner l'apparition du syndrome de white feces.

Le syndrome de white feces est souvent associé à la microsporidie EHP dont les spores ont été trouvées dans et autour des microvillosités transformées. Comme le décrivent Huang et al. (2020), le microsporidien a d'abord été proposé comme cause du syndrome de white feces, mais cette hypothèse n'a pas été confirmée par des études ultérieures. Récemment, Pachumwat et al. (2021) ont montré que l'EHP pouvait être un composant mais pas le seul agent causal. Selon Sathish Kumar et al. (2022), le WFS est une diarrhée de la crevette associée à une infection sévère par l'EHP qui peut être causée par une combinaison avec un agent inconnu.

La perte sévère de microvillosités peut prédisposer les crevettes à d'autres pathogènes entériques. L'étude de Somboon et al. (2012) a indiqué que la plupart des crevettes ayant des white feces avaient des quantités significativement plus élevées de bactéries Vibrio, y compris V. vulnificus, V. fluvialis, V. parahaemolyticus, et V.alginolyticus, dans leur hémolymphe et leur intestin, que dans les crevettes témoin.

Mesures préventives

Bien que l'agent causal exact ou le facteur déclenchant le syndrome de white feces soit méconnu, certaines mesures pourraient être prises pour éviter l'apparition de ce syndrome ou, du moins, pour en réduire les effets et les pertes graves. Nous pouvons diviser les actions possibles en deux catégories différentes, la crevette et son environnement.

Il a été prouvé que le WFS vise en premier lieu les cellules de l'hépatopancréas des crevettes. Par conséquent, favoriser un meilleur état de cet organe pourrait aider à contrer les effets du WFS. Cela peut se faire en choisissant un aliment de haute qualité et hautement digestible. Des ingrédients de qualité et une formulation adéquate faciliteront la digestion et solliciteront moins l'hépatopancréas, qui pourrait être plus résistant. Il est également important de choisir des matières premières contenant peu de toxines ou de facteurs antinutritionnels, car ces substances affectent directement l'hépatopancréas. En effet, cet organe traite une grande partie des toxines présentes dans les crevettes. De plus, le niveau d'alimentation doit être adapté. Des quantités élevées d'aliments sont stressantes pour l'animal et son système digestif. La diminution de la quantité d'aliments pendant les périodes à risque est aussi importante que la qualité des aliments.

Nous avons vu que l'impact du syndrome de white feces et les pertes sont principalement causés par des pathogènes opportunistes tels que les bactéries EHP ou Vibrio. Des additifs spécifiques pourraient être utilisés pour limiter la prolifération de ces pathogènes dans l'intestin des crevettes. L'immunité des animaux peut également être renforcée par l'utilisation d'ingrédients spécifiques, appelés stimulants immunitaires. Grâce à sa longue expérience et à ses connaissances dans le domaine des additifs, Techna a mis au point un produit appelé WF Detox. Ce produit soutient le système immunitaire des crevettes et agit sur les agents pathogènes et la population microbienne globale du tube digestif. WF Detox incorpore également des extraits de plantes qui empêchent la dégradation des membranes et favorisent l'excrétion des toxines. Ces actions visent à améliorer l'état de l'hépatopancréas. WF Detox doit être utilisé comme additif préventif lorsque les conditions sont propices à l'apparition du WFS. Il peut également être utilisé à des doses plus élevées lorsque le WFS est présent dans les bassins.

White feces

L'environnement doit également être pris en compte. En effet, le bassin est un écosystème complexe qui a un impact direct sur l'animal, mais aussi sur les agents pathogènes environnants. Il est important de surveiller les paramètres et d'adapter les pratiques d'élevage en conséquence. Tout d'abord, une température élevée (Tamilarasu et al., 2020), mais aussi des fluctuations rapides de température induisent un stress chez les animaux qui pourrait favoriser l'apparition du syndrome de white feces ou en augmenter la gravité. 

D'autres paramètres importants sont à surveiller : le pH, l'alcalinité, l'ammoniac, les nitrites et les niveaux d'oxygène. Les niveaux maxi et/ou mini ainsi que les fortes fluctuations peuvent favoriser l'apparition du syndrome de white feces ou en augmenter la gravité. Les fortes densités, la mauvaise qualité du fond des bassins et les proliférations planctoniques importantes ont également un impact négatif sur la qualité de l'environnement et sur les crevettes

L'alimentation et la qualité des aliments ont également un impact sur l'environnement, car les aliments non digérés resteront dans l'écosystème, le polluant et créant ainsi des conditions propices à la croissance de pathogènes opportunistes. Comme indiqué plus haut, l'alimentation doit être adaptée et réduite lorsque le risque augmente (valeurs proches des limites et fortes fluctuations).

L'application stricte des mesures de biosécurité est également importante pour maintenir les agents pathogènes à un niveau aussi bas que possible dans l'environnement. Les agents pathogènes opportunistes pourraient avoir un impact très important en cas de foyer de WFS.

Enfin, il est important de s'adapter et d'anticiper. En effet, la prévention est plus efficace et moins coûteuse que la lutte. La gestion de l'élevage doit être adaptée en fonction des conditions. Par exemple, la toxicité de l'ammoniac varie en fonction du pH et de la température. Par conséquent, la limite d'ammoniac doit être adaptée en fonction de ces paramètres. En outre, si le niveau d'ammoniac augmente, n'attendez pas qu'il atteigne la limite pour prendre des mesures. Il est important d'anticiper.

L'alimentation doit également être adaptée aux conditions générales du bassin et pas seulement à la taille des crevettes et à la température. Le choix des aliments ou l'utilisation d'additifs tels que le WF Detox doivent être liés au risque d'apparition du syndrome de white feces.

Pour plus d'informations, n'hésitez pas à demander à nos experts aquacoles Techna !

Références : 

  • Hou, D., Huang, Z., Zeng, S. et al. (2018) Intestinal bacterial signatures of white feces syndrome in shrimp. Appl Microbiol Biotechnol 102, 3701–3709. https://doi.org/10.1007/s00253-018-8855-2
  • Huang, Z., Zeng, S., Xiong, J. et al. (2020) Microecological Koch’s postulates reveal that intestinal microbiota dysbiosis contributes to shrimp white feces syndrome. Microbiome 8, 32. https://doi.org/10.1186/s40168-020-00802-3
  • Prachumwat A., Munkongwongsiri N., Eamsaard W., Lertsiri K., Flegel T.W., Stentiford G.D., Sritunyalucksana K. (2021) A potential prokaryotic and microsporidian pathobiome that may cause shrimp white feces syndrome. bioRxiv 2021.05.23.445355. https://doi.org/10.1101/2021.05.23.445355
  • Sathish Kumar T., Makesh M., Alavandi S.V., Vijayan K.K. (2022) Clinical manifestations of white feces syndrome, and its association with Enterocytozoon hepatopenaei in Penaeus vannamei grow-out farms: A pathobiological investigation. Aquaculture 547. https://doi.org/10.1016/j.aquaculture.2021.737463
  • Somboon M., Purivirojkul W., Limsuwan C (2012). Effect of Vibrio spp. in white feces infected shrimp in Chanthaburi, Thailand. Kasetsart University Fisheries Research Bulletin (Thailand). Vol. 36 N. 1 Page 7-15
  • Sriurairatana S, Boonyawiwat V, Gangnonngiw W, Laosutthipong C, Hiranchan J, Flegel TW (2014) White Feces Syndrome of Shrimp Arises from Transformation, Sloughing and Aggregation of Hepatopancreatic Microvilli into Vermiform Bodies Superficially Resembling Gregarines. PLoS ONE 9(6): e99170. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0099170  
  • Suguna, T. 2020. Disease Diagnosis Prevention and Control of Diseases in L.vannamei. Int.J.Curr.Microbiol.App.Sci. 9(9): 764-776. doi:https://doi.org/10.20546/ijcmas.2020.909.096
  • Tamilarasu A, Nethaji M, Bharathi S, Lloyd Chrispin C, Somu Sunder Lingam R. Review on the emerging white feces syndrome in shrimp industry. J Entomol Zool Stud 2020;8(5):680-684

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